mardi 28 juillet 2015

Sauvetage grec, « un nouveau traité de Versailles » pour Yanis Varoufakis

L’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis s’adresse à la presse après avoir déposé son bulletin lors du référendum sur l’austérité le 5 juillet 2015 à Athènes (MILOS BICANSKI/GETTY IMAGES)

Lundi 13 juillet 2015, 22:39
Exclusif : Alex McClintock

Dans sa première interview depuis sa démission du poste de ministre des finances grec, Yanis Varoufakis a pris pour cible les créanciers de la Grèce, révélé le degré de préparation du pays à quitter l’euro et a alerté de la montée de l’extrême droite. Late Night Live vous en fait part.
Dans sa première interview depuis sa démission au début du mois, l’ancien ministre des finances grec Yanis Varoufakis décrit l’accord de sauvetage de 86 milliards accepté par le premier ministre Alexis Tsipras comme « un nouveau traité de Versailles ».
« C’est la politique de l’humiliation », a-t-il dit à Late Night Live. « La troïka a fait en sorte de lui faire ravaler chaque critique qu’il a prononcée sur la troïka pendant les cinq dernières années. Pas seulement ces six mois où nous avons été dans le gouvernement, mais dans les années précédentes.
Cela n’a rien à voir avec l’économie, rien à voir avec la remise en route de la Grèce vers la reprise. Ceci est un nouveau Traité de Versailles qui hante l’Europe à nouveau et le premier ministre le sait. Il sait qu’il aura tort s’il signe et tort s’il ne signe pas. »
L’accord, accepté lundi après 17 heures de pourparlers avec des leaders de la zone Euro, contient des conditions très dures, incluant des coupes dans les pensions de retraite, des augmentations fiscales et le transfert de biens publics dans un fonds de placement pour payer pour la recapitalisation des banques grecques.
M. Varoufakis a rejeté l’accord en utilisant les termes les plus forts possibles, le comparant au coup d’état de 1967 qui a instauré une dictature militaire dans la nation méditerranéenne.
« Dans le coup d’état le choix des armes utilisées pour abattre la démocratie a été alors les tanks. Eh bien, cette fois cela a été les banques. Les banques ont été utilisées par des pouvoirs étrangers pour prendre le contrôle du gouvernement. La différence est que cette fois ils prennent tous les biens publics. »
M. Varoufakis a suggéré que M. Tsipras provoque des élections anticipées plutôt que présenter l’accord devant le Parlement grec, disant qu’il serait « très étonné » si M. Tsipras voulait rester premier ministre.
Il a insisté, cependant, sur le fait que lui et M. Tsipras restent en bons termes et qu’il a adopté une attitude discrète au cours de la semaine dernière pour soutenir M. Tsipras et son successeur au ministère des finances, Euclid Tsakolotos.
« J’ai sauté plus qu’on ne m’a poussé », a dit M. Varoufakis, décrivant sa démission au lendemain immédiat du « non » au référendum du 6 juillet sur des termes du sauvetage similaires à ceux acceptés le lundi.
« Je suis entré ravi dans le bureau du premier ministre. J’étais sur un joli nuage poussé par les bons vents de l’enthousiasme du public pour la victoire de la démocratie grecque au référendum. Au moment où je suis entré dans le bureau du premier ministre, j’ai immédiatement senti un certain sentiment de résignation, une atmosphère chargée négativement. J’étais confronté à un air de défaite qui ne cadrait absolument pas avec ce qui se passait dehors.
À ce stade il fallait que je l’exprime au premier ministre : si vous voulez utiliser le buzz de la démocratie hors des portes de ce bâtiment, vous pouvez compter sur moi. Mais si d’un autre côté vous ne vous sentez pas capable de gérer ce « non » majestueux à une proposition irrationnelle de nos partenaires européens, je disparaîtrai simplement dans la nuit. »
L’ancien ministre des finances a aussi décrit les préparatifs secrets du gouvernement grec pour imprimer des drachmes au cas où le pays serait forcé à quitter l’euro.
« En tant que gouvernement responsable, nous savions pertinemment qu’il y avait une alliance significative à l’intérieur de l’Euro-groupe, et nous avons dû préparer des éventualités, » a-t-il dit. « Il fallait que nous ayons une petite équipe de personnes dans le secret qui créeraient le plan au cas où nous serions forcés à quitter l’union monétaire de la zone euro. »
« C’est évidemment un dilemme. Une fois que le plan commence a être mis en œuvre, une fois que vous passez de cinq personnes qui travaillent dessus à 500, le minimum nécessaire à sa mise en œuvre, cela devient de notoriété publique. Au moment où c’est de notoriété publique, la prophétie auto-réalisatrice crée sa propre dynamique… Nous n’avons jamais fait cette transition de cinq à 500. Nous n’avons jamais eu de mandat pour le faire. Nous n’avons jamais voulu le faire. Nous avions le modèle sur le papier mais il n’a jamais été activé. »
M. Varoufakis a dit qu’il resterait député d’arrière-ban au parlement grec, où il a « beaucoup plus d’espace de manœuvre et pour dire la vérité. » Il a cependant averti que l’austérité encouragera l’extrême droite du pays.
« Au parlement, je dois m’asseoir et regarder la droite de l’auditorium, où 10 nazis siègent, représentant Aube Dorée. Si notre parti, Syriza, qui a cultivé tant d’espoir en Grèce… si nous trahissons cet espoir et inclinons la tête devant cette nouvelle forme d’occupation postmoderne, alors je ne vois pas d’autre issue que le renforcement d’Aube Dorée. Ils vont hériter du manteau de l’élan anti-austérité, c’est tragique. »
« Le projet d’une démocratie européenne, d’une union démocratique de l’Union européenne, vient d’être victime d’une catastrophe majeure. »
Source : ABC, le 13/07/2015
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.

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