samedi 25 avril 2015

Graham Phillips : L’Ukraine que je connaissais est morte à jamais

L’Ukraine est morte. Qu’est-ce-qui la remplacera ?

(Graham Phillips est un journaliste britannique qui travaille pour la chaine TV russe RT. Il réside en Ukraine depuis 2 ans et était auparavant installé à Odessa.)

C’est dur à dire et triste pour ceux d’entre nous qui aimaient l’Ukraine, comme je l’ai aimée – j’y ai vécu deux ans avant la guerre – c’était un pays que j’aimais beaucoup – mais après Euromaïdan, l’Ukraine est morte.

Voici pourquoi :

1. Sans loi, il n’y a pas de pays, mais un État en faillite

La récente vague d’assassinats de quiconque est perçu comme anti-régime en Ukraine, accompagnée non seulement du refus d’enquêter, mais aussi de l’approbation effectivement officielle des assassins – le fait que la police en Ukraine s’en remette au groupe néonazi terroriste Pravy Sektor pour assurer l’ordre. Ce n’est que le début d’une longue liste. Il y a aucune loi, d’aucune sorte, dans l’Ukraine post-Euromaïdan.

2. S’il y a pas de démocratie, ce n’est pas un pays




Dmitry Yarosh (à droite) avec le chef d’état-major de l’armée
C’est une république bananière. Le 22 février 2014, Euromaïdan a chassé non seulement un président démocratiquement élu, mais un gouvernement démocratiquement élu. Il a attendu trois mois avant la tenue d’élections pour un nouveau président, huit mois pour un nouveau parlement. À ce moment, c’était déjà trop tard, l’élément extrémiste avait pris les manettes de l’État sans contrôle électoral – le parti néo-nazi Svoboda, malgré un score inférieur à 5% dans les élections législatives, assure sa prééminence au parlement de l’Ukraine, envoie régulièrement des combattants sur le front. Le  leader du groupe terroriste néo-nazi Pravy Sektor Dmitry Yarosh, qui a récolté moins de 1% des voix à l’élection présidentielle, est sur la liste des personnes recherchées par Interpol, et il est maintenant conseiller du chef d’état-major de l’armée ukrainienne.

3. Il n’y aura jamais la paix en Ukraine

Il y a maintenant un passé, et un futur, de révolution violente. Maidan a créé un précédent, en installant son président en Ukraine par un coup d’État. Pourtant Maidan était composé de différentes factions, toutes ne soutenaient pas le président, loin de là.



Éléments du bataillon Azov faisant le salut nazi
En fait, le bataillon néo-nazi Azov a souvent affirmé son intention de provoquer un nouveau Maidan en transportant le combat du Donbass à Kiev. Même le journal pro-Kiev Moscow Times a parlé de la probabilité d’un autre Maidan.
Maidan a fixé les modalités pour la démolition institutionnalisée de la démocratie en Ukraine – quelques centaines d’extrémistes, et une masse facilement dupée par des slogans patriotiques, dans le centre de Kiev, peut renverser violemment n’importe quel gouvernement. Le président de l’Ukraine Porochenko le sait, il fait tout ce qu’il peut pour apaiser les radicaux. Toute personne objective sait que, quoiqu’il arrive, il n’y aura jamais de paix dans l’Ukraine post-Euromaïdan .

4. La Crimée

Après que le territoire d’or du pays a tenu un référendum pour voter sa séparation de l’Ukraine, il n’y reviendra jamais, même la chancelière allemande Angela Merkel l’a admis avec sa récente déclaration: «Nous ne l’oublierons pas» (mais nous ne ferons rien à ce sujet).
Lorsqu’un pays perd une partie de son territoire, il ne sera jamais plus le même pays.

5. Les Républiques populaires de Donetsk et de Lugansk, ne reviendront jamais

Les Forces ukrainiennes n’ont récupéré aucun territoire là-bas depuis juillet 2014, elles en ont seulement perdu. Les forces de la DPR et de la LPR ont consolidé leurs lignes, et s’il y a mouvement, ce sera pour prendre plus du Donbass – actuellement, elles ont environ un tiers de la région qui a produit autrefois 80% du charbon de toute l’Ukraine, mais la DPR et la LPR ne fournissent plus l’Ukraine, la production industrielle dans le reste de l’ancien centre industriel du Donbass est essentiellement au point mort.



La DPR et la LPR ont organisé un référendum, et une élection, pour se séparer de l’Ukraine. La majorité des personnes du Donbass a voté pour la sécession. Pendant ce temps le reste de l’Ukraine devient à la fois moins préoccupé par la reconquête des territoires, et plus ambivalente envers l’Ukraine en raison du point suivant.

6. La vie normale est presque impossible en Ukraine


L’inflation en Ukraine a été de 272% en 2014, la hryvnia, la monnaie ukrainienne, est tombée à  moins de 40% de ce qu’elle était il y a un an. L’inflation a explosé, les salaires se sont effondrés, les entreprises à travers l’Ukraine ont fermé. En bref, les gens n’ont plus d’argent en Ukraine – ventes de voitures neuves en baisse de 67% d’une année sur l’autre, production de voitures en baisse de 96%, 46 banques déclarées insolvables dans la dernière année.
Quant à l’épine éternelle dans le pied de l’Ukraine, la corruption, qui apparemment était l’un des objectifs justifiant le Maidan, elle est encore pire que ce qu’elle était avant.

Et pour les soldats ukrainiens tués en action dans Donbass, leur nombre est estimé à plus de 20 000 en août dernier. J’ai vu les corps de dizaines de soldats ukrainiens, dont on a pu identifier moins d’un quart. L’extrême pauvreté, l’hyper-inflation, le chômage, les parents qui sont partis ou ont été mobilisés pour combattre dans le Donbass disparus à jamais, dont le sort ne sera jamais connu, tout cela fait qu’il n’y a désormais plus rien de normal en Ukraine.

7. La dette de l’Ukraine est de plus de $80 milliards

Cent milliards de dollars, bientôt, 100% d’un PIB en chute libre. Un récent programme de sauvetage du FMI de 17,5 milliards de dollars ne ferait que gratter la surface. L’économie de l’Ukraine a rétréci de 7,5% en 2014, selon des estimations prudentes. Les estimations pour cette année varient de 6% à plus de 20%. Les gouvernements européens s’engagent à soutenir le pays, alors que les entreprises européennes se retirent en masse, des centaines ont déjà quitté le marché ukrainien, la plupart des 600 entreprises allemandes opérant en Ukraine effectuent un audit pour décider d’un éventuel retrait du marché.
Le commerce avec le pays qui était de loin le principal importateur et exportateur, la Russie, est évidemment décimé, l’économie de l’Ukraine est frappée, et condamnée au déclin.

8. La signification de l’Ukraine a totalement changé 

Il suffit de regarder l’évolution de l’image de l’Ukraine entre 2011, 2012 et 2015



Ukraine 2011
Ukraine 2012
Ukraine 2015
L’Ukraine est maintenant associée avec le sang, la mort, et la guerre. Il y a du sang associé au drapeau ukrainien par ses tirs militaires à Odessa, à Marioupol, et ses bombardements sans relâche des zones civiles du Donbass. La perception, l’identité, la définition même de Ukraine ont changé pour toujours.

9. Il n’y a personne qui pourrait réunifier l’Ukraine

Il n’y a pas de personnalité politique qui puisse unir l’ancien pays. Nul personnage élu ou imposé à Kiev ne pourra jamais gagner le soutien des régions qui se sont détachées et qui refuseront toujours de revenir dans le giron de Kiev. Aucune personnalité politique ne serait jamais élue dans ces régions sécessionnistes sur l’idée de l’Ukraine unie.
Il n’y a tout simplement personne qui peut refaire l’Ukraine.

10. Il y aura une Ukraine, quelle qu’elle soit, dans l’avenir

Mais l’Ukraine, qui était pour certains Une Ukraine est terminée. Morte. Le plus tôt les pro-Ukrainiens l’accepteront, le plus de vies seront sauvées et plus vite ils pourront comprendre ce qu’est devenue l’Ukraine, où elle va, et commencer à construire, plutôt que de détruire l’ancienne Ukraine.

Traduit par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone.

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